Looking for Eric
de
Ken Loach
Sélection officielle
Prix du Jury œcuménique
palme

Sortie en salle : 27 mai 2009




« It’s not a film, it’s the cinema. »

Comment aborder un film où il est question d’une légende vivante du foot-ball, le frenchy le plus aimé des anglais, Cantona himself, quand on a à peine jeté un œil dans la petite lucarne en juin 1998 … « Le foot, ça coupe du monde » étant alors la seule sentence à l’égard du sport le plus populaire de la planète ? Le football métaphore de la vie ?… Les règles de vie appliquées à la maison comme sur le terrain ?… Certes, et le film en décoche une démonstration aussi aiguisée que percutante. Cantona, réplique de sa marionnette Cantona… que les Guignols ont bien habilement malmenée en rendant le bonhomme plutôt sympathique ?
En fait, il y a d’abord et avant tout Loach. Un Loach qui, n’en déplaise à certains grincheux, ne s’est pas écarté d’un pouce de la ligne militante et engagé de son cinéma, de Kes au Vent se lève en passant par Riff-Raff ou Raining Stones. Dès l’astucieux dispositif scénaristique mis en place, le carburant de l’action prendra la forme d’apparitions du vrai Canto dans la pièce (ou dans l’esprit ?) d’Eric Bishop, employé des postes, fan inconditionnel du joueur à l’accent roulant comme un « torrent de cailloux ». Quinqua bien chiffonné par une vie dont il n’a pas fait ce qu’il aurait voulu, Eric (interprété par Steve Evets, d’une justesse à l’épreuve de tous les registres) n’a plus de prise sur ses deux beaux-fils squattant sa maison et pour qui il fait office de room service ; le souvenir de sa femme quittée il y a longtemps est chargé d’autant de culpabilité que de regrets ; sa fille l’a oublié sur le rayon des mauvais pères et sa passion pour le foot s’assouvit à peine en regardant les matchs au Pub, les places au stade étant devenues hors de prix pour lui et ses amis postiers. Éric-I’m-not-a-man-I’m-Cantona va littéralement coacher notre dépressif en puissance et, à coups d’aphorismes et conseils de vie, avec une autodérision assumée, l’amener à retrouver foi en lui.

Sans jamais laisser débrayer la narration, Loach déploie un scénario aux petits oignons – coécrit avec son complice Paul Laverty – dans une mise en scène nerveuse mais fluide, en navigant avec malice entre des situations d’un comique surréaliste et un tragique climat social bien réel. On retrouve alors le combattant qui, s’il s’arme ici d’humour avec succès, n’en invoque pas moins la résistance aux turpitudes et autres petites indignités de la vie moderne trop facilement classées fatalités. La métaphore du fagot chère à Lynch dans A Straight Story se retrouve ici dans l’ « équipe » montée par les amis d’Eric… Quant à l’autre Éric, le Cantona, le foot-balleur, l’acteur et producteur du film, il offre sa franchise, son honnêteté et sa pêche comme un acte militant. Certes, il a dû s’assagir pour dire ici : « La plus noble des vengeances, c’est pardonner » ! Mais on ne peut que le croire sincère quand il répond à Eric sur son meilleur souvenir de match : « C’était pas un but, c’était une passe ». Les films de Loach sont eux aussi comme des passes…

Jean Gouny


1h59 - Grande-Bretagne - Scénario : Paul LAVERTY - Interprétation : Steve EVETS, Eric CANTONA, Stephanie BISHOP, John HENSHAW, Gerard KEARNS.

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