L'Armée du crime
The Army of Crime

de Robert Guédiguian
Sélection officielle
Hors compétition

palme

Sortie en salle : 16 septembre 2009




Tu ne tueras point

Dans Paris occupé par les Allemands, l'ouvrier poète Missak Manouchian prend la tête d'un groupe de très jeunes juifs, hongrois, polonais, roumains, espagnols, italiens, arméniens, déterminer à combattre pour défendre la France qu'ils aiment, celle des droits de l'homme. Dans la clandestinité, au péril de leur vie, ils deviennent des héros. Les attentats de ces partisans étrangers vont harceler les nazis et les collaborateurs. La police française va alors se déchaîner, multiplier ses effectifs, utiliser filatures, dénonciations, chantages, tortures. Vingt-deux hommes et une femme seront condamnés à mort en février 1944, après une opération de propagande où ils seront présentés comme une "armée du crime", leurs visages en médaillon sur un fond rouge placardés sur les murs de toutes les villes du pays.

Guédiguian délaisse ici ses chroniques sociales et romanesques marseillaises pour une incursion dans l'Histoire qu'il avait déjà déflorée dans Le Promeneur du Champ-de-Mars. Ancien militant du parti communiste et homme de gauche convaincu, le cinéaste ne pouvait qu'être captivé par ces combattants de l'ombre, injustement occultés des manuels d'Histoire, et dont la légende passera à la trappe de l'amnésie générale des années de Gaulle, soucieuses de réconciliation nationale. Le film parvient ainsi à saisir l'air du temps des ces années noires, au cours desquelles les ritournelles de Maurice Chevalier contrastaient avec une ambiance antisémite notoire, dans un souci d' « identité nationale » qui a hélas effectué (certes à un moindre degré) sa résurgence dans notre pays depuis quelques années.

Concierges dénonciateurs, fonctionnaires corrompus (admirable Jean-Pierre Darroussin) et policiers français plus zélés que la Gestapo (terrifiant Yann Tregoüet) forment une faune pitoyable que le réalisateur n'hésite pas à charger dans une optique critique citoyenne. Dans le rôle principal, Simon Abkarian (Les Sept jours) montre une présence certaine et est bien entouré d'une solide équipe de jeunes comédiens : Robinson Stévenin (La Petite Lili), Grégoire Leprince-Ringuet (Les Chansons d'amour), Adrien Jolivet (Zim and Co), Lola Naymark (Brodeuses). Une bande de copains (Ariane Ascaride bien sûr, mais aussi Lucas Belvaux, Serge Avédikian ou Gérard Meylan) montre l'esprit de groupe inhérent à ce type de projet, et guère si éloigné de l'esprit du Renoir de La Vie est à nous.

D'où vient alors que cet opus ne séduit pas pleinement ? Sans doute le traitement télévisuel, des dialogues trop explicatifs (sur Drancy, le pétainisme ou les droits de l'homme), et le manque de surprise narrative nuisent à la réussite de l'ensemble, surtout que le cinéma français, depuis Le Chagrin et la pitié, nous a habitués maintes fois à porter un regard critique sur la France de l'Occupation (Lacombe Lucien, Le Dernier métro). Mais la démarche de Guédiguian mérite le respect et le détour.

Gérard Crespo


2h05 - France - Scénario : Robert GUEDIGUIAN, Gilles TAURAND, Serge LE PERON - Interprétation : Simon ABKARIAN, Virginie LEDOYEN, Robinson STEVENIN, Grégoire LEPRINCE-RINGUET, Ariane ASCARIDE, Adrien JOLIVET, Lola NAYMARK, Yann TREGOUET, Jean-Pierre DARROUSSIN, Serge AVÉDIKIAN.

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