L'Étranger en moi
The Stranger in Me
Das Fremde in mir

d'Emily Atef
Semaine internationale de la critique
palme

« Le cœur en déroute »

stranger

L’amour d’une maman…

La dépression post-natale touche 10 à 20% des mères. Notamment en Allemagne où la femme au foyer est une icône révérée, cette maladie est niée et il manque des spécialistes pour aider ces femmes aux envies suicidaires et infanticides. Emily Atef nous prouve que chacune de nous peut y être confrontée et brise le mythe de la mère sainte.
Das Fremde in mir est l’histoire d’une femme forte et aimée qui ne rentre pas dans le moule de la maternité heureuse. Celle-ci, dès la naissance de Lukas, est honteuse de ressentir son fils comme étranger, ainsi son enfant incarne sa peur, voire sa haine. Tout s’écroule ! Elle se rapproche chaque jour de la mort avant sa renaissance, marquée par ses premiers mots « je veux voir ma mère ».Grâce à l’aide précieuse de Julian, son mari, elle parvient à assumer son fils et les responsabilités qui en découlent.
Le film juxtapose des scènes longues avec peu de dialogues, caractéristiques que l’on trouve souvent dans le cinéma allemand contemporain. Le film débute sur une scène de course dans la forêt, caméra à l’épaule qui installe instantanément un climat d’angoisse. Cette séquence filée permet ainsi de rentrer in medias res. Ce n’est qu’à la moitié du film que l’on s’aperçoit qu’il s’agit de flash forward symbolisant le point culminant de la détresse de l’héroïne. Susanne Wolff joue à la perfection le rôle d’une jeune femme dépressive, en marge de la société. Elle nous offre une interprétation poignante et parfois dure.
Le thème, qui devait être l’objet d’un court métrage, a inspiré une œuvre de fiction bouleversante, dramatique et non désespérée.
C’est un combat féministe de la part d’Emily Atef pour ces femmes qui s’enferment loin de leur entourage, incapables de parler de leur mal-être. Usant de finesse et légèreté, elle réussit à toucher profondément le cœur des femmes.

Camille Rolland, Margaux Janin
Lycée Saint Exupéry de Lyon



Mon lait, c'est du poison

Lorsque Rebecca accouche, tout le monde s'attend à un bonheur infini de la mère envers son enfant. Même elle. Mais dès les premiers cris de Lukas, sa mère le reçoit comme un étranger. Comment expliquer l'absence d'amour envers un être qui incarne le reflet de soi-même et le fruit d'un amour qui a été caché sous le ventre rond d'une mère impatiente ? Emily Atef, la réalisatrice, répond avec subtilité à cette question dans son film qui lève avec sensibilité le voile sur la dépression post-natale. Susanne Wolff entretient constamment la tension dramatique qui nous montre que cette aventure difficile peut arriver à toutes.
Les autres sont toujours là pour lui rappeler un amour qu'elle ne ressent pas : la tante s'émerveille de la peau parfumée du bébé, devant la mère qui souffre de ne pouvoir reconnaître celle-ci, le père travaille avec ardeur au confort de la famille, renforçant alors la solitude et par la même le sentiment de culpabilité de la mère.
Envie suicidaire, retour à la matrice aquatique, errance dans les bois, rythment les différentes fugues durant lesquelles Rebecca tente de se retrouver. L'emotion est donc portée à son paroxysme lorsque Rebecca, incomprise et perdue, est enfin entendue et aidée. Son réveil à l'hôpital suivi par la séquence de retrouvailles avec sa mère est une véritable renaissance.
Le rythme récurrent d'une berçeuse mélancolique séduit le public qui semble à son tour accompagner Rebecca dans son difficile retour à la vie. Tel un bébé, elle réapprend à marcher et la jeune femme devient alors peu à peu affectueuse et fin prête à aimer. Le retour aux origines et aux bases universelles de la véracité naturelle permet de rendre terriblement humaine cette tragédie qui pousse une femme à haïr sa propre personne. Le spectateur compatit, se bat avec elle et quitte avec émotion la sphère câline d'une famille retrouvée.
Par le tableau très poétique de cette maladie, Emily Atef brise le tabou qui l'entoure dans nos sociétés occidentales et en particulier en Allemagne. Das Fremde in mir peut permettre aux femmes de se libérer de la haine qu'elles éprouvent sous le joug de cette maladie et d'en parler enfin. Chacun est amené à comprendre leur souffrance pour les aider à retrouver l'amour qu'elles veulent apporter à leur enfant.

Jorine Gebbink, Pauline Proffit
Lycée d'Artagnan de Nogaro


Naissance d’un talent

Une actrice découverte pour une mère perdue. Si sombre dans ce rôle, mais si lumineuse dans la réalité. Semblant fragile, elle porte le film Das Fremde in mir avec un brio surprenant. En effet, il faut beaucoup de talent et de force à Suzanne Wolff pour incarner Rebecca, jeune femme écartelée entre son besoin de ressembler à une mère normale et son incapacité à l’être. Et c’est avec retenue et sobriété que l’actrice révèle peu à peu l’indifférence de cette mère face à cet étranger, son bébé.
Mais comment avouer aux autres ce qui est inavouable : l’absence d’instinct maternel ? Emily Atef s’est attaqué avec finesse et justesse à ce sujet, encore tabou dans notre société prétendument moderne. Avec patience, elle suit le long chemin de Rebecca vers la guérison, semé des obstacles que sont la honte et la culpabilité, et sans jamais la juger. Avec sa caméra, elle pose un regard lucide sur cette maladie qu’est la dépression post-natale et sur l’incompréhension d’une famille, pourtant si unie, qui finit par rejeter cette mère déchue. La réalisatrice nous bouleverse par ce portrait si profondément humain d’une résurrection à l’amour.
Telle un peintre, Emily Atef nous offre une large palette d’émotions et fixe personnages et psychologie par touches délicates, tout en nuances. Un jeu de lumière subtil, des plans fixes et silencieux suffisent simplement à créer l’atmosphère de ce film.
Dans une société allemande où les mères actives sont déjà si décriées, Das Fremde in mir est à l’image du cinéma allemand : audacieux et généreux, jamais noir.
Si Rebecca devait « se ressaisir », nous, on est saisis.

Violaine Gioffredo, Mélanie Thoinet,
Lycée Carnot de Cannes



La naissance : le plus beau jour de la vie d’une femme… Enfin, pas toujours. Pour Rebecca, le premier souffle de son enfant est aussi le dernier d’une vie heureuse. L’arrivée de Lukas la plonge dans un profond mal-être. Pourquoi n’arrive-t-elle pas à sourire à son fils et à le porter dans son cœur ? Autant de questions auxquelles elle ne trouve pas de réponses. Ce film d’Emily Atef a une portée psychologique plus susceptible d’atteindre les femmes, et particulièrement les jeunes mamans. La réalisatrice a opté pour un déroulement original. Les flash-forward nous plongent dans la déroute et la désorientation, comme Rebecca à la naissance de son fils. Cependant gare à l’incompréhension scénaristique. Le film est criant de réalisme ; la frontière entre documentaire et fiction est souvent floue. Mais ce choix d’ambigüité apporte son lot de conséquences, notamment un rythme lent, voire trop lent, de l’histoire. De plus sont dépeintes des images redondantes ou glauques. A des crises de larmes récurrentes et des silences interminables succèdent des scènes gênantes d’indifférence, parfois de cruauté de la part de la mère. Ne reste plus que la prestation des acteurs pour tenir le spectateur en haleine, et quelle prestation ! Susanne Wolff a su donner à son personnage toute la détresse qu’on était en mesure d’attendre d’une telle situation... Quant à Johann Von Bülow, il revêt à merveille le rôle du mari indécis. Mais le résultat reste plutôt décevant vis-à-vis du sujet abordé, au demeurant rarement exploité jusqu’ici.

Arnaud Schmitt, Nadège Robin
Lycée de Jules Verne de Nantes

 


1h39 - Allemagne – Scénario : Emily Atef, Esther Bernstorff - Photo : Henner Besuch - Décors : Annette Lofy - Musique : Manfred Eicher - Montage : Beatrice Babin - Son : Jakob Ilgner - Interprétation : Susanne Wolff, Johann von Bülow, Maren Kroymann, Hans Diehl, Judith Engel, Herbert Fritsch.

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