Mister Lonely
d'Harmony Korine
Sélection officielle
Un certain regard





Dieu et la vie d'ailleurs

Fantasme adolescent, saupoudré d'existentialisme pour troisième âge, Mister Lonely nage en plein dans la grande récréation philosophique, dans laquelle Harmony Korine, cinéaste desaxé s'il en est, questionne les notions d'identité et de miracle. On ne sait ce qui lui a pris (ou ce qu'il a pris), pour « faire » ça . D'un côté, le récit est dépourvu de tout élément pouvant éventuellement en former un (donc il n'y en a pas), et de l'autre, ses bêtises enfantines et sectaires concernant Dieu et l'amour pataugent dans un grand n'importe quoi dénué de sens, ni même absurde ou non-sensesque, juste dénué de direction. Mais l'improvisation est si fausse, si artificielle dans ses mécanismes de n'importe quoi, si creux dans sa quête fraternelle et si ovniesque dans ses propositions pseudo-métaphysiques que, du début à la fin, d'un Michael Jackson faisant danser des papys d'une maison de retraite à la pendaison de Marilyn Monroe (en passant par le miracle des bonnes sœurs, sous-intrigue dont on ne peut comprendre le sens symbolique sinon que Harmony Korine croit très fort en Dieu), Mister Lonely s'essaye à l'originalité, lamentablement d'ailleurs. Il essaye d'être drôle et émouvant, voire larmoyant, fantastique, psychologique, mais au final il n'aboutit qu'à l'hystérie et la perversion la plus poisseuse.

Il faut voir un sosie de Madonna écarter les jambes en dansant, Samantha Morton en Monroe draguant le mâle; il faut entendre "Buckwheat" interprété par un enfant noir que le réalisateur a obligé à parler de poitrines de femmes et de poulets dans un élan zoophile ; il faut aussi voir Diego Luna tenter d'imiter Michael Jackson ; il faut voir le Pape dormir avec la Reine d'Angleterre, il faut voir une bonne sœur se jeter d'un avion en vélo et s'écraser sur terre sans aucune blessure. Il faut voir cet homme sur une mini-moto dans un circuit de course, filmé au ralenti (comme les trois quarts du film d'ailleurs), plan d'ouverture et de clôture, symbole obscur, pesant et en même temps incompréhensible ; il faut entendre une voix-off débattre seule sur l'acceptation du moi absolu dans l'autre... En bref, des tas de bêtises incomparables auraient pu être intelligentes si son cinéaste ne s'était pas contenté d'aligner ce qui ressemble à une grande exposition de photos toutes plus belles et décalées les unes que les autres, sans jamais avoir d'autre impact sur le spectateur que la lassitude la plus profonde ; et si sa thèse, potable, avait eu pour autre ambition que de choquer ou de creuser une originalité fausse et ennuyeuse. En somme, son film aurait pu être regardable s'il n'avait pas cherché à être unique.

Il faut aussi voir Leos Carax, Werner Herzog, le sosie du petit chaperon rouge filmé comme la victime d'un pédophile, et Denis Lavant en Charlie Chaplin  tentant de se faire Madonna. Ou alors ne rien voir du tout, et refuser cette série de fantasmes malsains et assez désagréables.

Jean-Baptiste Doulcet



 


1h52 - USA - Scénario et dialogues : Harmony Korine, Avi Korine - Photo : Marcel Zyskind - Décors : Richard Campling - Musique : Jason Spaceman - Montage : Paul Zucher - Son : - - Interprétation : Diego Luna, Samantha Morton, Denis Lavant, Werner Herzog, Leos Carax, James Fox.

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