Sonhos de peixe
Fish Dreams
Kirill Mikhanovsky
Semaine internationale de la critique

content


Comme un poisson dans l'eau…

Mer. Bateau. Poissons. Mer. Bateau. Poisson. Tel est le quotidien de Jusce, jeune pêcheur brésilien. Même s’il risque sa vie en plongeant à trente mètres sous l’eau, il détient une bouffée d’oxygène indispensable : Ana. Il profite du rituel qu’est la “novela”, mélodrame ridicule qui captive le village entier, pour se tenir près d’elle et s’enivrer du parfum de ses cheveux. Il est privé de ce plaisir par l’arrivée de Rogerio et de sa buggy. L’irruption de cette modernité, promesse d’évasion, séduit la jeune femme qui ne rêve que de voyages et de rencontres. Malgré son orgueil blessé, Jusce va tenter désespérément de retrouver sa place auprès d’elle.
Ce film sort indéniablement de la veine actuelle : son côté néoréaliste mêlé à un aspect documentaire nous pousse à saluer le courage du réalisateur Kirill Mikhanovsky. Il a effectivement opté pour un casting judicieux composé à la fois d’acteurs professionnels et d’amateurs (pêcheurs, habitants du village), ce qui renforce le naturel et le réalisme du film.

La dimension poétique et le rôle important de la Nature ne sont pas sans rappeler Terence Malick et ses plans dictés par les éléments. Les contrastes sonores et rythmiques, les plans parfois excessivement longs, la langue chantante de même que l’appel aux sens, exacerbent la sensibilité du spectateur. Cependant, on peut se demander si l’intrusion de la modernité sous les traits de la télévision géante n’est pas superflue, puisqu’elle est déjà évidente. En effet, le film ne pourrait-il pas s’achever sur ce travelling arrière où l’on voit Jusce porter Ana sur son dos ?
C’est un film à “peut-être”, ne serait-ce que par la fin ouverte et la manière de filmer, tout en suggestions… Ce long métrage peut susciter des réactions mitigées, laissant le spectateur froid ou au contraire totalement sous le charme.

La toute jeune critique
Bénédicte Didier
Emilie Jouffroy
Salomé Berlioux
Raphaëlle Charpin
Lycée Alain Colas, Nevers


Derrière une intrigue simple, une vision du Brésil se profile devant la caméra de Kirill Mikhanosky, celle des pêcheurs pauvres d’une société oscillant entre attirance moderne et attachement au passé. Jusce n’a que 17ans mais il plonge déjà à trente mètres de fond pour gagner une vie simple sur la terre de ses ancêtres. Mais les désirs des uns ne sont pas forcément ceux des autres, sa compagne Ana rêvant d’une vie dorée a l’ image de celles des novelas télévisées. Quand Rogerio arrive, elle trouve dans ce nouveau citadin un modèle de vie copié sur celui de l’occident. Une quête initiatique se prépare pour Jusce capable de tout sacrifier pour apporter à celle qu’il aime un peu d’une vie rêvée. C’est autour de ce passage a l’age adulte que se dessine le portrait d’un pays. A la manière d’un Rossellini, tourné sans scénario, sans décor, mais avec des acteurs amateurs jouant leur propre rôle le film apparaît comme la version moderne et Brésilienne d’un néoréalisme aujourd’hui oublié.
L’image est vraie, le film quasi documentaire. On connaît bien le culte de l’apparence pour les Brésiliens. Ici, on peut capter ces petits gestes de leur quotidien ancrés dans une culture qui nous rappelle que le Brésil abrite des hommes beaux peut –être à l’image des mannequins occidentaux. Cet aspect du film n’approche qu’un zeste de la culture brésilienne où des hommes tirent, poussent, dansent, où l’effort sculpte un corps fort et vrai, et un esprit capable de s’échapper des dures journées de galère. Réflexion donc sur la place de l’image dans une société où le corps, instrument premier d’une vie dédiée au labeur comme à la sensualité, n’est pas caché mais devient synonyme de personnalité. C’est par le regard de l’autre que l’individu se jauge et évolue. Image de soi et image de l’autre prennent ainsi tout leur sens dans la confrontation masculine entre Rogerio et Jusce . Mais l’image peut aussi prendre une dimension virtuelle.

C’est à travers l’écran, qu’il soit petit ou grand que se reflète l’autre monde, le microcosme des nouveaux riches, des femmes émancipées, des talons hauts, du luxe et du vice. Univers attirant pour certain, décadent pour la majorité mais dont l’importance reste capitale dans une vie de villageois. Pourtant les pêcheurs, des défavorisés, n’apparaissent jamais pathétiques ou insultants.
La fraternité est là, et elle rend la vie plus douce qu’on ne pourrait le croire. Valeurs essentielles d’un peuple où chacun s’entraide, où le mari soutient sa femme, où le voisin est un ami, la fraternité empêche de sombrer dans le désespoir d’une vie somme toute éreintante pour notre regard d’occidentaux. Cette entraide, cette acceptation de l’autre et de ses désirs trouvent l’illustration parfaite dans la scène finale du film ; lorsque le bateau de Jusce s’éloigne vers l’inconnu portant le trésor d’Ana : l’image d’un monde qui la dépasse et l’attire, la télévision.
Maître mot de cette quête initiatique, rythme et tempo caractérisent un film dédié au mouvement. Mouvement circulaire puisque début et fin se font écho, que la mise à l’eau du “Deus Provera” laisse sa place au bateau de Jusce, son “Ana”. Danse, capoera, glissement des vagues et des bateaux, toute l’efficacité du film réside dans son “esthétisation” du mouvement, du partage, de la sensualité, en un mot : de la vie. Le cinéma est l’art du mouvement et de la mélodie. Construit à l’image d’une symphonie, alternant silence, chant et cris, le rythme est la base d’un film où la musique provient uniquement de l’homme et des éléments.
Posant un regard lucide et objectif, cette œuvre envoûtante devient un symbole d’optimisme face à une misère criante.

La toute jeune critique
Liza Kesbi
Pierre Varaldi
Lycée Bristol, Cannes


Une fable moraliste

Dans des paysages somptueux, exotiques, Kirill Mikhanovsky nous livre une fable d’une grande simplicité et d’une implacable lucidité. Le film tout d’abord paraît plus un documentaire qu’une fiction : scènes de pêche réelles, utilisation de la caméra à l’épaule, beaucoup d’acteurs non professionnels et plans très soignés. En effet son expérience en tant que directeur de photographie marque très fortement l’esthétisme du film. Les plans séquences, au départ un peu long mais grâce à eux le spectateur s’immisce dans ce village et s’acclimate peu à peu à leur rythme de vie. Un rapport direct et intimiste est donc crée entre le spectateur et les “héros” du film.
De nationalité russe et non brésilienne comme on aurait pu le penser, le cinéaste porte un regard critique sur cette microsociété. Pour faire de son film un documentaire autant qu’une fiction, il introduit deux principaux éléments déclencheurs : un buggy et l’omniprésence de la télévision. Cela donne une pointe d’originalité à l’histoire. C’est l’intrusion de la modernité dans ce village qui permet de créer une intrigue et une réflexion sur le rapport de cet endroit isolé et le monde extérieur.
Jusce éprouve un amour fou pour Ana. Elle l’influence et le corrompt tout au long de l’histoire. Attirée par la modernité, Ana ne peut s’empêcher de tomber sous le charme de Rogério qui revient tout droit de la ville.

Jusce, jaloux, devient prêt à tout pour appartenir à ce monde superficiel sans y parvenir. Une scène très forte illustre cela : Jusce à l’arrière de la voiture, s’en fait violemment éjecter, comme s’il ne pouvait s’intégrer à cet univers.
L’Allemand, personnage énigmatique, n’a pas vraiment de place définie dans le film. Lui, semble plutôt fuir la civilisation contrairement aux villageois qui cherchent à l’acquérir.
La dernière demi heure est très saisissante. Le cinéaste accélère le rythme du film.
Jusce semble brusquement vouloir changer de vie ; il vend sa maison et part en ville pour acheter une télévision, symbole de la société de consommation en totale opposition à leur mode de vie.
Mais Kirill Mikhanovsky par la mort de Jaoh en mer, ramène leurs vies de simples pêcheurs au premier plan et le village revient à la réalité. La télévision « venue de la ville » est vue comme un élément perturbateur.
Le cinéaste termine alors son film par un plan séquence très intense, les deux amoureux rapportent la télévision sur un “radeau”. Ici la mer marque le passage entre les deux mondes ; ainsi elle éloigne les menaces. La vie d’avant peut alors reprendre son cours.
Kirill Mikhanovsky transforme donc par une série de péripéties et d’études de mœurs son film en fable moraliste sur la vie.

La toute jeune critique
Agathe Hervieu
Coline Crance-Philouze
Lycée Guist’hau, Nantes


Un pêcheur (trop) rêveur.

Kirill Mikhanovsky nous embarque au Brésil avec son long-métrage Sonhos de Peixe. Les personnages voguent entre pêche, télévision et amour. Le personnage central, Jusce, est un humble pêcheur qui aime passionnément ce qu’il fait. Il est attiré par une femme, Ana, qui ne jure que par ses feuilletons d’amour niaiseux. Jusque-là, rien d’anormal. Mais un jour débarque Rogério, un play-boy digne d’être « une vraie star de cinéma » avec son rutilant buggy rouge. Ana, croyant qu’il va la sortir de sa monotonie, se rapproche de Rogério. Mais au cours d’une balade, notre triangle amoureux explose, le tout serti d’une bande sonore aiguë. Rogério est évincé, mais notre bon pêcheur n’a toujours pas pu conquérir sa belle. C’est alors que Jusce trouve l’idée du siècle : acheter une énorme télévision (il mettra tous les moyens en œuvre pour ce faire, même vendre sa maison) pour que sa dulcinée lui fasse les yeux doux.

Ayant acquis le formidable objet, il est obligé de casser le mur pour l’installer à l’intérieur de la maison. Jolie allégorie, il détruit en fait sa part de naturel, il néglige ses racines. Au final, le manque d’argent le poussera à vendre la télévision pour partir avec sa compagne (on peut supposer qu’elle ne le restera pas longtemps) vers l’inconnu.
À travers un scénario des plus banals, Mikhanovsky nous livre l’histoire d’un homme tellement obnubilé par une femme, qu’il ferait n’importe quoi pour elle. Elle, qui est si superficielle à la différence de lui, le naturel à l’état pur.
Jusce, qui voulait à tout prix plaire, se rend compte que finalement, il aurait peut-être mieux fallu qu’il conserve sa part d’authenticité, car il s’est perdu. Mais peut-être lui reste-t-il un espoir : que le vent transporte son bateau à l’endroit où se cache son amour…

La toute jeune critique
Aurélie Belin


1h45 –- Brésil / USA - Scénario : Kirill Mikhanovsky - Image : Andrij Parekh - Son : Aloysio Compasso - Décor : Monica Palazzo - Montage : K. D. Klippning - Musique : Artur Andres, Ribeiro - Interprète : José Maria Alves, Rubia Rafaelle, Chico Diaz, Phellipe Haagensen.

 

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS