Quand j'étais chanteur
The Singer
Xavier Giannoli
Sélection officielle

très content

Quand j'étais chanteur

L’acteur principal de ce film, c’est la chanson, la chanson d’amour qui fait danser, qui refait les vies défaites, qui est là pour effacer les solitudes et faire renaître les destins. Il en faut si peu quelquefois pour que tout recommence. Ce sont tous ces indispensables petits riens que met en scène Xavier Giannoli, toujours aussi attentif à l’aventure des sentiments, après Les Corps impatients et Une aventure.
A Clermont-Ferrand, dans les maisons de retraites ou “Au coin du curiste”, à Royat, tous les vendredis et samedis soir à l’Aquarius, Alain Moreau – et son orchestre – se produit pour un public plus tout jeune, venu ici « pour la roucoule » et qu’il fait danser au son de sa douce voix de crooner.
France profonde, bals de province, ex-beau vieux sur le retour, tubes doucereux des années 60, ambiances has-been tout porte ici à la ringardise, qui pourtant n’a pas droit de cité dans le petit monde où Alain Moreau puise sa raison de vivre, non plus que la nostalgie d’ailleurs, ni le ridicule. Même quand il chante Comme un garçon de Sylvie Vartan ? Même.
Il fait cependant un peu sourire Marion, que Bruno emmène avec d’autres amis pour voir ce qui effectivement peu s’apparenter pour leur génération à un phénomène de cirque. Mais Alain connaît la musique et son naturel et sa tendresse séduiront très vite la jeune femme. Car, à part pouvoir continuer à bien faire le métier qu’il aime, Alain ne demande qu’une seule chose : le respect. Respect pour quelqu’un qui est parvenu au faîte d’un art qu’il exerce le plus honnêtement du monde, dans le même temps qu’il agit comme une thérapie salutaire sur les états d’âme de ses contemporains. Que chacun en fasse autant !
Marion, elle, travaille dans l’immobilier et fait visiter des maisons à Alain qui veut en changer, à moins que ça ne soit qu’un prétexte pour multiplier les rendez-vous avec cette jolie et jeune mère de famille et lui donner des réponses par exemple à cette question qu’il est sûr qu’elle doit se poser :


« Qu’est-ce que je fous avec ce type ? » C’est en lui parlant de lui, de son aversion pour  l’humiliation, de ce qui a construit sa vie, qu’il parviendra à la sauver de ces crises de tristesse, qui font pleurer Marion plus souvent que de raison. Tout en la laissant taire ses secrets, bien sûr, respect oblige.
L’un des points forts de Si j’étais chanteur, c’est que l’on ressent au spectacle et à l’écoute du film la légèreté, le naturel et la liberté avec lesquels il a été mis en scène. Malgré un scénario où les blessures de la vie sont loin d’être absentes, il y a de la jeunesse et de la fraîcheur dans la peinture de ce vieux chanteur ordinaire, de ceux qui gravitent autour de lui et dans la narration de cette histoire toute simple.
Le second est bien sûr la performance de Gérard Depardieu, acteur toujours génial, dans un rôle  où personne ne l’attendait. Ce grand et robuste personnage qui distille comme personne toute la tendresse du monde, s’avère de plus le meilleur des psychologues : à force de le faire danser, il a appris depuis longtemps à connaître tout son petit monde. Il a surtout appris à se connaître lui-même, lui qui refusera de jouer le combat de trop, non par lâcheté, mais justement par pure connaissance de soi. Et Depardieu chante lui-même le répertoire d’Alain Moreau, tout à fait bien, sans surtout en faire des tonnes, mais juste assez pour que la mélodie et l’harmonie viennent, tout en douceur, tordre le cou à la solitude. And it is its way…

Marie-Jo Astic


1h52 - France - Scénario, dialogues : Xavier Giannoli - Photo : Yorick le Saux - Décors : François Renaud Labarthe - Musique : Alexandre Desplat - Montage : Martine Giordano - Son : François Musy - Interprétation : Gérard Depardieu, Cécile de France, Mathieu Amalric, Christine Citti, Patrick Pineau, Alain Chanone.

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