Le rat de ville et le rat des champs version chinoise, tel
pourrait être le sous-titre de Voiture de luxe de Wang
Chao.
Destins croisés, celui d’un père et d’une fille,
reflets de deux Chine qui se côtoient sans se reconnaître.
Un instituteur de campagne (Wu You Cai), pour exaucer la dernière
volonté de sa femme, part à la recherche de son fils disparu à Wuhan,
troisième grande ville de Chine. Là, il est hébergé par
sa fille Yanhong (Tian Yuan). Le père découvre progressivement
que sa fille, venue à la ville pour réussir, est en fait
hôtesse dans un karaoké et “fiancée” au
maquereau local.
A travers des silences, des non-dits plus éloquents que certains
dialogues de mélodrames classiques et qui confèrent au
film une certaine lenteur, Wang Chao nous livre une approche très
sensible des personnages dans une retenue parfaitement maîtrisée
des émotions. Le jeu des acteurs, pour la plupart venus du théâtre,
contribue à renforcer cette pudeur des sentiments.
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Après L’orphelin d’Anyang révélation
cannoise en 2001 et Nuit et jour en 2005, deux films personnels écrits
dans une narration très épurée, Wang Chao dans le
dernier volet de sa trilogie, désire représenter un mélodrame,
reflet de la Chine contemporaine déchirée entre ses idéaux
et ses rêves de luxe. Le propos n’est pas sans rappeler Shangaï dreams de
Wang Xiashuai. La recherche du fils avec l’aide d’un policier
n’est en fait qu’un prétexte aux déambulations
dans les rues de la ville moderne.
Quelques plans sur le fleuve Yangtze
soulignent la ligne de partage entre quartiers résidentiels et
lieux de pauvreté. La belle
voiture de luxe du “fiancé” n’est
qu’une métaphore de la nouvelle Chine urbanisée piétinant
les rêves démodés du passé.
« J’essaie de représenter, à défaut du
réel, ses traces et ses résidus » confie Wang Chao.
Il nous donne ainsi une sorte de photographie impressionniste de l’évolution
d’un pays à travers deux générations et deux lieux :
ville et campagne.
Martine Lanari |