La Vie sur l'eau
The Iron Island - Jazireh Ahani

Mohammad Rasoulof
Quinzaine des réalisateurs
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Dans une production iranienne d’une grande vitalité (80 longs métrages de fiction ont été produits en 2004 !), le second film de Mohammad Rasoulof, Iron island, est à la fois typique de cette cinématographie (qui utilise volontiers la fable et la métaphore, ne serait-ce que pour contourner interdits et censure) et original par le cadre de son action.
L’île de fer du titre est un vieux cargo échoué près des côtes du sud du pays. Y vit une communauté d’hommes, de femmes et d’enfants démunis, sous la houlette d’un chef, le capitaine Nemat. Tour à tour pourvoyeur de culture et de connaissance (il a ouvert une école au sein du navire) et patriarche autoritaire (il revend à leur insu la ferraille du cargo, découpé pièce par pièce, que les jeunes récupèrent), Nemat est aussi insondable que le sens qu’il convient de donner au film.
Côté décors, Iron island exploite plutôt de manière habile le cargo abandonné, lieu unique de l’action. Les cales gorgées d’eau (le bateau s’enfonce dans l’océan), les cabines servant de dortoirs, le pont immense, aire de travail et de jeu, la proue qui s’ouvre sur le ciel et l’eau à l’infini, donnent lieu à des plans étonnants et neufs au sein de ce cinéma. Le cadre rural ou urbain, les routes et les chemins de terre qu’affectionne Abbas Kiarostami sont davantage familiers au public occidental.

Côté fable ou métaphore, on est en droit d’être plus réservé. Nemat est-il un sauveur ou un exploiteur ? Le navire un refuge pour les laissés pour compte ou un enfer au sein duquel le groupe est condamné à un travail sans fin et non rémunéré ? On aimerait que ces questions soient source d’ambiguïté ou apportent une densité au propos. Mais de nombreuses faiblesses dans la conduite du récit et dans la structure du scénario ne poussent guère à cette indulgence.
Et le spectateur se moque un peu de savoir si la perte du navire, l’arrivée sur une terre ingrate et désertique que Nemat offre à ses protégés annonce le renouveau pour le groupe ou la poursuite de son exploitation.
Ou peut-être les deux ? Un projet estimable mais peu abouti.

Pierre Soubeyras


1h30 - Portugal - Scénario : Mohammad Rasoulof - Photo : Reza Jalali - Décors : Mohammad Rasoulof - Son : Mohammad Mosavi-Nejad - Musique : Mohammad-Reza Aligholi - Montage : Bahram Dehghan - Interprétation : Neda Pakdaman, Hossein Farzi-Zadeh, Ali Nasirian.

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