Imposture
Patrick Bouchitey
Semaine Internationale de la Critique


Le synopsis : Critique redouté perdu dans une existence banale, Serge Pommier n'a toujours pas écrit le best-seller que tout le monde espère de lui. Pour vivre, il doit se contenter d'enseigner la littérature à l'université. Lorsque l'une de ses étudiantes lui soumet un manuscrit remarquable, sa vie bascule : Serge la séquestre pour s'approprier son œuvre. La machine infernale se met en marche...

Notre avis : De Patrick Bouchitey, on pouvait attendre mieux que ce thriller aseptisé, qui convoque les ombres de Hitchcock, Buñuel (la parano du prof voyant rire l'assistance, semblable à celle du mari jaloux dans El), ou encore Melville, le mutisme de l'étudiante séquestrée faisant écho à celui de la jeune femme du Silence de la mer. Mais où est passé le sulfureux auteur de Lune froide ? On pourra être agacé par ces apparitions d'animateurs dans leur propre rôle (Michel Field, Michel Polac), systématiquement convoqués dès qu'on aborde le thème de l'interview télévisée. On attend constamment la fausse piste, l'étincelle narrative qui sortirait le film du marasme des conventions. En fait, Imposture n'échappe pas aux carences d'un certain cinéma de qualité distingué auquel manque une véritable âme. Un scénario plus surprenant, un dénouement moins malin et un rythme plus énergique auraient sans doute donné plus de poids à ce récit d'un rapt physique et littéraire. Même l'inégal Rob Reiner avec Misery (1990, d'après Stephen King) avait su donner plus d'épaisseur aux motivations des personnages.


En dépit de ces fortes réserves, le film se voit sans ennui et réussit, par intermittence, à créer une atmosphère d'angoisse et d'oppression. En attestent la séquence du kidnapping, plutôt aboutie, ainsi que les passages de la toilette de la jeune fille par l'écrivain raté criminel transformé malgré lui en aide-soignant : les non-dits érotiques mènent alors le film vers une autre interprétation rétrospective. Et Patrick Bouchitey devant la caméra étonne davantage par un jeu nuancé, bien servi par un beau visage de maturité. Il est surprenant que le cinéma français n'exploite pas davantage le talent de l'ex-jeune premier de La Meilleure façon de marcher et du Plein de super, dont le rôle le plus célèbre restera celui du prêtre décalé de La Vie est un long fleuve tranquille. Bien épaulé par Isabelle Renault, Patrick Catalifo et la jeune Laetitia Chardonnet, il est le principal intérêt de cette peinture troublante mais inaboutie des frustrations universitaires.

Gérard Crespo


1h40 - France - Scénario : Patrick Bouchitey, Gilles Laurent, Jacky Berroyer, Gaëlle Macé adapté de "Je suis un écrivain frustré" de José Angel Manas - Photo : Antoine Roch - Décors : François emmanuelli - Son : Lucien Balibar - Montage : Laurent Rouan - Interprétation : Patrick Bouchitey, Laetitia Chardonnet, Isabelle Renaud, Patrick Catalifo, Ariane Ascaride.

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