Alexandrie… New York
Youssef Chahine
Sélection officielle
Un Certain Regard

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A travers le personnage de Yehia, un réalisateur, Youssef Chahine revisite cinquante ans de son cinéma dans une œuvre partagée entre l'autobiographie et la fiction. Le film comporte trois volets narratifs qui s'entremêlent par une succession de flash-back.
Yehia est en 2004 un cinéaste confirmé qui revient à New York pour un hommage rendu dans une rétrospective. Il y retrouve Ginger, son amour de jeunesse et apprend qu'Alexandre, nouvelle étoile de la danse, n'est autre que son fils. Cette partie est la plus faible : les rapports père/fils sont caricaturaux et l'aigreur du réalisateur envers une certaine Amérique actuelle débouche sur des dialogues parfois creux : le personnage central déclare ainsi préférer les Etats-Unis de Rita Hayworth et Gene Kelly à ceux de Bush et Stallone. Nous aussi... En outre, un certain narcissisme (la cérémonie de prix à Cannes avec de vrais images d'archives) étonne chez un réalisateur dont la modestie était jusqu'à présent l'image de marque.
Le second volet narratif est plus bref : dans les années 70, le cinéaste, de passage en Californie, est reçu par Ginger qui traverse un grave passage à vide (elle est devenue call-girl).

Dans le troisième volet, le grand Chahine reprend le dessus et nous séduit dans la chronique de sa jeunesse américaine. Etudiant exilé suivant une formation d'art dramatique et de réalisation, Yehia découvre l'amour de l'Amérique et du cinéma et connaît une idylle avec Ginger, jeune américaine qui le marquera toute sa vie. Comme dans Le Sixième jour et Silence... on tourne !, Youssef Chahine ressuscite la magie d'un certain cinéma où l'on passait aisément des séquences parlées aux passages chantés et dansés. C'est bien sûr la nostalgie de la comédie musicale américaine qui inspire cette renaissance, mais aussi la pérennité d'une tradition typiquement égyptienne.
Le cinéma n'est-il d'ailleurs pas, au même titre que la musique, un art qui ignore les frontières, contrairement à la politique ? C'est ce que semble suggérer le réalisateur qui n'omet pas de manier le burlesque pour atténuer la charge de son discours ; ainsi, le méchant raciste chez qui Ginger se réfugie reçoit un majestueux gâteau à la crème sur le visage.
Maîtrisant le montage et évitant les pièges de la linéarité chronologique, Youssef Chahine confirme la vitalité de son cinéma et nous fait rapidement oublier les réserves que l'on pouvait émettre.

Gérard Crespo


2h07 - Egypte - Scénario, dialogues : Youssef Chahine - Interprétation : Mahmoud Hemeida, Yousra, Ahmed Yehia, Youssef El Lozy.

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