10 on 10
Abbas Kiarostami
Sélection officielle
Un Certain Regard

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« Sur les traces de Ten, Abbas Kiarostmi nous entraîne au cours du processus de création de ses films et nous livre une œuvre à part entière, une percutante réflexion sur le cinéma. » Voici pour le synopsis. Et avant les premières images, les deux pans du rideau de scène se rapprochent pour laisser juste ce qu'il faut d'écran au cadrage de la tête d'Abbas Kiarostami, qui, au volant d'une voiture, s'adresse à l'auditoire, dont une petite partie, insensible au minimalisme poussé à son plus haut degré, a déjà abandonné la place. Une seconde “fournéeî suivra au bout d'une demi-heure de projection, décidément réticente à la leçon de cinéma prodiguée par le maître iranien. Car c'est bien d'une leçon qu'il s'agit ou encore de la recette idéale pour réussir en dix chapitres un film à la manière de Kiarostami. Décor, caméra, sujet, scénario, repérages, musique, acteur, accessoires, réalisateur, les neuf premiers sujets sont fortement incités à s'auto réduire à leur plus simple expression.
Nous voici donc, comme dans Ten, en voiture, habitacle minuscule mais espace — ou plutôt manque d'espace — préféré de Kiarostami, sur le lieu de tournage du Goût de la cerise. Pour « donner la vérité absolue » la caméra, qui si l'on n'y veille peut aussi symboliser tous les artifices, doit être légère et maniable : de cette caméra numérique, Kiarostami s'est fait un vrai « compagnon de voyage qui bannit tous les obstacles » dont ceux de l'argent et de la censure. Le scénario tient généralement en une demi-page et encore, il n'est pas rare que le cinéaste s'en écarte.

La musique est considérée comme un véritable intrus, si difficile à caser qu'il vaut mieux s'en passer totalement. Les acteurs, il faut leur laisser dire ce qu'ils veulent, si toutefois ils veulent bien dire quelque chose, il faut qu'ils décident eux-mêmes de leur habillement. Les accessoires sont tout à fait inutiles, il convient de faire avec l'existant. Kiarostami est-il réalisateur ou metteur en scène ? « Aucun de ces titres ne correspond à mon travail » et surtout pas réalisateur, dont le propos est de rendre réel, mission par définition impossible par le fait que la réalité existait avant lui…
A la théorie, succèdent les exercices pratiques : essais de suppression du dialogue, puis de l'image… Kiarostami s'en prend ensuite avec beaucoup d'humour mais aussi d'insistance à la technique… Enfin le dixième point intitulé « la dernière leçon » aborde la question du succès et met en parallèle son cinéma et le cinéma américain. Si ce dernier a tant de succès, ce n'est sans doute pas pour rien. Donc si vous voulez réussir, faites le contraire de ce que je fais.
Finalement, Kiarostami confirme ce que la vision d'un seul de ses films rend limpide et évident dès les premières minutes et s'essaie à un exercice qui, à force de prôner l'humilité, pourrait apparaître relativement prétentieux.

Marie-Jo Astic


1h23 - Iran - Scénario, dialogues : Abbas Kiarostami.

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