Sang et or
Crimsold Gold - Talaye sorkh
Jafar Panahi
Sélection Officielle
Un Certain Regard

Prix du jury Un Certain Regard
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Sang et or est un chef-d'œuvre du cinéma iranien. Ancien assistant de Abbas Kiaorastami, qui apporte pour ce film son parrainage, Jafar Panahi œuvre ici pour un genre (le polar social) peu abordé dans son pays et il faut remonter aux policiers Warner des années 30 pour avoir le souvenir d'un tel brio de mise en scène.
Jafar Panahi retrouve ici son sujet de prédilection : la détermination d'un individu à satisfaire son rêve (modeste ou illusoire) dans une société très marquée par le lien social mais qui ne fait aucun cadeau à ceux qui restent dans la marge (tout en souhaitant en sortir) ou contestent le conformisme ambiant. Comme la petite fille du Ballon blanc (1995), la prostituée du Cercle (2000) ou plus tard l'adolescente supporter de foot de Hors-jeu (2006), Hussein poursuit un objectif. Il désire échapper à son triste statut de livreur de pizza, offrir un vrai et beau bijou à sa fiancée et être l'objet de respectabilité dans une capitale iranienne à deux vitesses, où la concentration des revenus (et des patrimoines) est très forte. On sait dès la séquence d'exposition que son projet est voué à l'échec : un premier plan-séquence le montre se donner la mort, après avoir été piégé par un système de sécurité et avoir abattu un bijoutier. Tout le récit sera construit en un unique flash-back.
Les déambulations professionnelles de Hussein dans Téhéran donnent à côtoyer un microcosme de la société iranienne, avec ses laissés-pour-compte, ses nouveaux riches, sa faune interlope. Un air de Taxi Driver imprègne l'œuvre, mais ici point de compassion chez ce personnage dont les frustrations grandissent au gré de ses rencontres.

Une humiliation chez le bijoutier, où il s'est rendu pour acheter de belles alliances, une rafle policière chez des jeunes gens fortunés et surtout une livraison dans un appartement outrageusement luxueux constituent les moments forts du film.
En filmant Hussein, gros corps imposant, trainant sa gigantesque présence dans des endroits qui le rendent de plus en plus décalés, le cinéaste fait monter la tension dramatique, d'une efficacité remarquable. L'aliénation du personnage face à un univers qui le rejette ne peut conduire qu'au drame, mais Panahi a la délicatesse de nous épargner tout discours misérabiliste et démonstratif.
La veine explorée par le réalisateur ouvre peut-être de nouvelles perspectives pour le cinéma iranien associé encore au road movie minimaliste à la Kiarostami. En fait, c'est à un certain « réalisme poétique » français que fait aussi songer Sang et or, la chute de Hussein faisant un peu écho à celle du personnage de Gabin dans Le Jour se lève, autre film de flash-back explicatif d'une tragédie individuelle dans un contexte social.
Il serait souhaitable que Jafar Panahi, au vu de sa filmographie sans failles, soit reconnu comme un maître du cinéma contemporain, statut qui ne lui est pas encore octroyé.

Gérard Crespo


1h37 - Iran - Scénario et dialogues : Abbas Kiarostami - Images : Hossain Jafarian - Décors : Iraj Raminfar - Musique : Peyman Yazdanian - Montage : Jafar Panahi - Interprétation : Hossain Emadeddin, Kamyar Sheisi, Azita Rayeji, Shahram Vaziri, Pourang Nakhael.

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