Robinson's Crusoe
Lu bin xun piao liu ji
Lin Cheng-Sheng
Sélection Officielle
Un Certain Regard

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A Tai-Peh comme ailleurs… Après les craintes millénaristes, la mélancolie début de siècle. Et l'une comme l'autre annoncent des lendemains qui déchantent.
Robinson's Crusoe
est une œuvre plutôt sombre, une tonalité qui domine une majorité de films vus au Festival ces dernières années… Face à la perte des idéaux, à la déhumanisation de la société, on renonce ou on rêve d'un ailleurs, d'une autre vie. Partir et tout recommencer à zéro, tel est le désir secret du protagoniste du film.
Un homme qui aux yeux du monde a tout pour être satisfait : trentenaire, beau, aimé des femmes, bonne situation. Mais comme un indice du malaise qui l'habite, ce promoteur sans soucis matériels, qui vend des appartements de luxe, a élu domicile dans une chambre d'hôtel high-tech et anonyme. Autre symptôme, le ton désabusé de ses conversations, qu'elles soient d'ordre professionnel ou privé.
Sentimentalement, c'est la glaciation : il semble mettre un point d'honneur à ne pas s'investir dans une relation amoureuse quitte à être cruel envers ses anciennes conquêtes. Tous ses désirs se concentrent, sur une île des Caraïbes à vendre, via Internet et un site « la-vie-est-ailleurs.com », cliché du paradis exotique, appelée l'île Crusoe.

Le personnage portant le nom improbable pour un taïwanais de Robinson (sic), on pourra trouver appuyé le clin d'œil au célèbre roman de Daniel Dafoe.
Cette soif de changer de vie va pousser Robinson à thésauriser tous ses gains en vue de son acquisition. Mais du fantasme à sa concrétisation, il y a un abîme. Le trentenaire du film, naufragé de la société, a de fortes chances que son rêve de paradis terrestre ne demeure qu'à l'état virtuel, tel un wanadoo inaccessible, à l'opposé de son homologue littéraire, qui fut un robinson malgré lui.
Le film, par une mise en image élégante et empreinte de froideur, reflet du mental des personnages, distille une amertume prégnante. Mais l'indécision des protagonistes, leur sentiment de faire du sur-place ou de tourner en rond est source de langueur, impression qui gagne parfois le spectateur. Selon son goût ou son humeur ce dernier y resentira une émotion vraie ou un ennui distingué. La distinction est d'ailleurs l'adjectif qui pourrait qualifier au mieux ce cinquième long métrage de Lin Cheng-Sheng, ancien assistant d'Edward Yang, l'auteur de Yi-Yi.

Pierre Soubeyras


1h30 - Taïwan - Scénario et dialogues : Lin Chen-sheng - Images : Han Yun Chung - Décors : Hsia Shao Yu - Musique : Lin Chung - Montage : Chen Shiang-Chyi - Interprétation : Leon Dai, Yang Kuei-Mei, Chen Shiang-Chyi, Chang Feng-shu, Lee Sin-Je, Wu Kuei Chuen.

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