Depuis qu'Otar est parti
Since Otar Left
Julie Bertuccelli
Semaine Internationale de la Critique
Grand prix Lycos de la Semaine Internationale de la Critique
Grand Rail d'or

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Tbilissi, carrefour de l'Eurasie où cohabitent les influences les plus contradictoires. Tout comme dans cet appartement, où trois femmes — grand-mère, mère et petite fille — forment un cercle familial privé de son centre depuis qu'Otar est parti tenter sa chance à Paris : selon que les nouvelles parviennent ou non, Eka, Marina et Ada vivent ensemble autant de moments harmonieux que de temps de rupture. C'est d'ailleurs dans ces moments d'intimité intense, où la caméra de Julie Bertucelli sait rendre un regard ou un simple geste beaucoup plus éloquent que ne le ferait un long discours.
On y descelle, au cœur d'un pays où charme et délabrement se fondent en une étonnante harmonie, où l'on consulte le marc de café, où l'on accroche son petit ruban à l'arbre à vœux, les séquelles laissées par l'histoire à trois générations : une certaine nostalgie non avouée du régime soviétique pour Eka, le sentiment d'appartenir à ceux qui ont tout raté ou tout vécu trop vite pour Marina, le désir de prendre ses distances par rapport à un environnement familial, mais aussi culturel et économique, pesant pour Ada. Dans cet univers où la France

opère encore une certaine fascination, les trois femmes parlent tantôt géorgien, tantôt français, avec une telle fluidité que l'alternance des deux langues n'impose jamais aucune rupture de ton. Pas plus que les régulières coupures de courant électrique n'enlèvent à chaque scène sa douce lumière.
La petite famille vit également au rythme des cueillettes de fruits. Et c'est au cours d'un des déplacements d'Eka à la vieille datcha, que Marina reçoit un appel de Niko, ami d'Otar, également exilé à Paris : Otar est mort stupidement d'un accident de chantier ; en attendant que le corps soit rapatrié, il sera inhumé au cimetière des indigents.
Qui aurait la force d'annoncer à Eka la nouvelle du décès de ce fils trop aimé ? Marina et Ada tissent alors autour de leur aînée la toile d'un fabuleux mensonge.
Sans que jamais un rôle ne prenne le dessus sur l'autre — et c'est une qualité supplémentaire du film — les trois actrices, entre émotion, humour et gravité, sont formidables de justesse et de vérité.

Marie-Jo Astic


1h40 - France/Belgique - Scénario : Julie Bertuccelli, Bernard Renucci, Roger Bohbot - Photo : Christophe Pollock - Son : Henri Morelle - Décors : Emmanuel de Chauvigny - Montage : Emanuelle Castro - Interprétation : Esther Gorintin (Eka), Nino Khomassouridze (Marina), Dinara Droukarova (Ada).

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