Slogans
Gjergi Xhuvani
Quinzaine des Réalisateurs
Prix de la Jeunesse
du film étranger

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Cinquante-trois festivals, un film albanais : c'est déjà un événement à marquer d'une pierre blanche… et ce n'est pas l'invraisemblable histoire vraie de ce film-là qui dira le contraire.
Nous sommes en Albanie, à la fin des années 70, sous la dictature socialiste d'Enver Hoxha. André, jeune professeur venu de Tirana, prend ses fonctions dans l'école d'un village de montagnes. Premier exercice imposé par le directeur : il doit choisir le texte d'un slogan politique et comprend vite aux mimiques de ses élèves que le plus court sera le mieux. Les slogans, chaque professeur et toute sa classe doivent les écrire sur les flancs des montagnes et collines encerclant le village : la moyenne des phrases atteint en moyenne quinze mètres de longueur et chaque lettre mesure un mètre cinquante de hauteur. Le travail, exténuant, se fait en pierres, que l'on blanchit à la fin. André a eu de la chance : pour son premier slogan, il a eu le choix du texte. D'autres, mal vus des autorités, ont à composer les phrases les plus longues. Une punition entre autres, comme celle de ne pas avoir le droit de rentrer de temps en temps dans sa famille. Diana, la prof de français, semble particulièrement rompue à cette répression, à laquelle elle se plie – de toutes façons, elle n'as pas le choix – avec fatalisme. Font aussi partie des punis ceux qui n'ont pas participé ouvertement à la révolution nationale :

le sort et le niveau de vie, déjà fort bas pour la majorité des villageois, de Selman Tosku en sont irrémédiablement marqués, ainsi que
l'environnement quotidien et scolaire de son fils, qui essaie pourtant de racheter sa "faute" en mettant encore plus de cœur à l'ouvrage et en essayant de faire taire l'immense désarroi que lui infligent les sentences du conseil pédagogique.
Les slogans, dictés par le Comité Central du Parti, devaient paraître comme l'expression spontanée du peuple. Et naturelle devait paraître la mise en scène élaborée chaque fois que la voiture d'un membre du bureau politique devait passer dans le coin : il fallait alors, pour flatter leur vanité, redoubler de slogans, ceux qui " font la gueule " (pour cause de grêle ou de passage de troupeaux de chèvres) étant fortement déconseillés.
Gjergj Xhuvani a la bonne idée de teinter son récit, et toute la détresse qu'il révèle, d'un nécessaire humour : le ridicule de la situation et l'absurde réalité n'en sont que plus forts. En s'attachant de très près à la condition humaine de personnages précis, il parvient à faire le procès des dogmes idéologiques, qu'ils soient d'Albanie ou d'ailleurs. On imaginait mal à quel point l'embrigadement, la résignation et l'isolement des populations puissent atteindre un tel paroxysme.

Marie-José Astic


1h3O - France/Albanie - Scénario : Yllyet Aliçka, Yves Hanchar, Gjergi Xhuvani - Image : Gérald Thiaville - Son : Pierre-Yves Lavoué - Musique : Denis Barbier -Décor : Shakir Veseli - Montage : Didier Ranz - Interprètes : Artur Goristhi, Luiza Xhuvani, Agim Qirjaqui, Birçe Hasko.

 

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