Roberto Succo  
Cédric Kahn
Sélection Officielle
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Il a le regard qui tue, a-t-on dit. Kurt, puisque c'est sous ce nom qu'il passera avec nous un épisode de sa vie, n'a pas que le regard. Il a eu aussi les gestes pour anéantir des vies. Son coup d'essai, il l'exerça sur ses parents, et seul ce bain de sang sera montré. Kurt, alias Roberto Succo, est fou. Après ce double meurtre originel commis à dix-neuf ans, et après s'être échappé d'un asile psychiatrique judiciaire italien, peut lui importe d'autres crimes. Le procès fait à Cédric Kahn par les familles touchées par ce drame récent (1986) n'a pas sa place : Succo est malade, incontrôlable certes, mais criminel avant tout. Il est présenté comme tel et non comme un héros que l'on pourrait idéaliser. Compliments à Stefano Cassetti, acteur non professionnel, pour la justesse de son interprétation dans un tel rôle. Car, pour chacun des meurtres, on arrive toujours après l'acte et c'est le regard et la douleur des victimes qu'épouse en priorité le réalisateur. Le fameux regard hypnotisant, c'est la petite Léa qui en fera les frais, elle seule, qui est très jeune et comme aimantée par un mec qu'elle trouve – et pour cause – différents des autres, qui n'a pas le réflexe de se poser les bonnes questions face à Kurt et à ses comportements pour le moins bizarres.

Elle découvre et n'a pas forcément beaucoup de points de comparaison. Lui a enfin quelqu'un : pour retrouver Léa, il persiste à organiser sa cavale sur l'axe Côte d'Azur-Savoie, et sème ses exactions sur son sillage. Finalement le meurtre d'un policier impose des rapprochements jusqu'alors improbables et Succo devient l'ennemi public numéro un. Arrêté en Italie pour des faits "mineurs" – les six meurtres ont été commis en France – il semble pouvoir échapper à la justice. Pourtant c'est lui-même qui aura sa propre peau.
Une ultime incohérence parmi celles qui ont accompagné son sinistre parcours : il s'y montre tour à tour aimable, amoureux, prévenant, attendrissant… normal, tandis que la liste des victimes s'allonge.
Lors de l'ultime cavale en Suisse, une mémorable scène de course-poursuite – exercice auquel Cédric Kahn s'essaie avec brio – campe définitivement le personnage : au paroxysme de la violence, Succo prend en otage une institutrice, qui analyse très vite le personnage et évalue son agresseur tout en donnant le change. Alors qu'il la braque et la somme maintes fois d'accélérer, il fait une pause pour s'étonner de son sang-froid : « J'ai l'habitude de m'occuper des enfants. » dit-elle.

Marie-Jo Astic


2h04 - France - Scénario et dialogues : Cédric Kahn - Images : Pascal Marti - Musique : Julien Civange - Montage : Yann Dedet - Décors : François Abelanet - Interprètes : Stefano Cassetti, Isild Le Besco, Patrick Dell'Isola, Vincent Deneriaz, Aymeric Chauffert, Estelle Perron.

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