La Liberté
Freedom - La libertad

Lisandro alonso
Sélection Officielle
Un Certain Regard

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Tout est bon dans le tatoué

Premier long métrage du jeune réalisateur argentin Lisandro Alonso, La Libertad est le genre d’O.F.N.I (objet filmique non identifié) faisant d’ordinaire claquer les sièges des festivaliers cannois. Mais est-ce une bienveillance à l’égard des premiers films de la programmation ou quelque chose de plus indicible, donc de plus essentiel, qui finalement a retenu l’attention du public ?
La Libertad, c’est une journée de la vie de Misael, jeune bûcheron de la Pampa, province argentine. La caméra d’Alonso va le suivre, en de longs plans séquences, dans ses gestes quotidiens et ordinaires. Isolé du reste du monde et survivant seul, avec le strict nécessaire, il marque, abat, tronçonne, élague les arbres avant de les vendre comme pylône au village le plus proche… en tous cas le moins loin. (cette scène sera l’une des deux uniques occasions d’un dialogue, réduit au minimum de l’expression.) Au fur à mesure qu’avance son travail, Misael déplace sa tente, domicile de fortune où l’on partage en temps réel quelques temps de son repos solitaire.

Construit comme un reportage (Misael existe, c’est entendu), le film est bel et bien une fiction, avec un acteur qui interprète cette réalité. C’est là en même temps l’ambiguïté et la force de cette épure. Volontairement, le réalisateur ne montre aucun événement, aucune situation extraordinaire qui aurait pu briser la monotonie de la journée de travail. La préparation minutieuse du tatou grillé à la flamme, assez peu ragoûtante, constitue un point culminant de la construction narrative ! Pourtant, peu à peu, notre regard, loin d’une identification assez improbable, s’installe dans une réflexivité troublante. Pendant que Misael organise sa routine avec une espèce de respect, nous songeons à la moitié de notre existence consacrée à des choses anodines et que personne ne remarque. Une pensée sur nos actes, dans notre routine à nous, se développe pendant que Misael occupe l’écran. Pas si mineur que ça, le film d’Alonso installe ses longues séquences, locataires à long terme de notre mémoire.

Jean Gouny


1h13 - Argentine - Scénario : Lissandro Alonso - Images : José Luis Migliora - Musique : Juan Montecchia - Montage : Martin Mainoli, Lisandro Alonso - Interprètes : Mizael Saavedma, Humberto Estrada, Rafael Estrada, Omar Didino, Javier Didino.

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