Kandahar
Safar e Gandehar

Moshen Makhmalbaf
Sélection Officielle
Prix du Jury œcuménique

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La famille Makhmalbaf est une habituée du Festival de Cannes. Mohsen y a présenté quelques uns de ces quinze longs métrages à son actif, dont Salam Cinéma, Gabbeh, Le Silence ou l’un des contes de Kish (La Porte). Samira, sa fille, a été récompensée par le Prix du Jury l’année dernière pour Le Tableau noir après nous avoir étonnés avec son premier long métrage La Pomme. On peut du coup s’étonner que Kandahar, œuvre engagée, généreuse et formellement très aboutie, ait souffert des réticences du Jury en restant en marge du Palmarès officiel de cette année (Le film s’est vu attribué le Prix du Jury Œcuménique). Les détracteurs diront que le propos du réalisateur iranien collait un peu trop aux préoccupations occidentales du moment ; que la cause était acquise d’emblée à la (mauvaise) conscience des pays riches… Nous y reviendrons.
Magnifique réquisitoire contre l’asservissement et l’aliénation des femmes afghanes, au sort de plus en plus insupportable, le film suit le parcours de Nafas, jeune journaliste afghane, réfugiée au Canada depuis la guerre civile des taliban. Nafas doit absolument retrouver sa jeune sœur, restée au pays, qui a annoncé sa détermination de mettre fin à ses jours avant la toute prochaine éclipse du soleil. Mais le passage de la frontière irano-afghane sera très difficile. Les transports officiels n’existent pas, les brigands en bandes rivales règnent sur les chemins, les mines antipersonnel sont les seules graines du désert.
Nafas, contrainte de porter le tchadri (cette prison d’étoffe qui étouffe la femme afghane — Nafas

est un prénom afghan qui veut dire
"respiration"… !), devra composer avec ses différents guides : familles de paysans en carriole, associations humanitaires distribuant des prothèses de jambes aux victimes des mines, cortège d’invités à une noce, militant américain s’improvisant guérisseur ou encore gamin à l’abandon, renvoyé de son école coranique.
Le propos n’est donc pas discutable ! La qualité de la narration non plus. Sans doute est-ce davantage l’esthétique distinguée qui a fait grincer des dents. Et pourtant…
Depuis 1996, les taliban se livrent, sous caution d’une quête de la pureté, à une chasse sans merci aux libertés, aux droits des femmes, à la culture patrimoniale… et à toutes représentations par l’image. Il n’y a pas de cinéma ; on casse les postes de télévision ; prendre une photo est un acte impur ; peindre est un délit ; exhiber la beauté d’un visage féminin frise le sacrilège. Alors quel meilleur plaidoyer pour un cinéaste que faire un film aux images "léchées", aux cadrages soignés, donnant leur revanche aux tchadris qui exhibent des couleurs richement associées, dans des carrioles cahotant au rythme de percussions discrètes mais précises, composant un tableau paradoxal où l’horreur de la situation des mutilés est soutenue par des plans magnifiques de prothèses parachutées du ciel ! L’esthétique est là pour servir la dénonciation ; l’esthétique, c’est ça : faire ressentir les choses.

Jean Gouny


1h25 - Iran - Scénario et dialogues : Moshen Makhmalbaf - Images : Ebrahim Ghafouri - Musique : M. R. Darvishi - Montage :Moshen Makhmalbaf - Interprètes : Niloufar Pazira, Hassan Tantaï, Sadou Teymouri.

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