La Femme qui boit
The Woman Who Drinks
Bernard Emond
Semaine Internationale de la Critique
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« Tout ce que j'ai pu avoir dans la vie, ça m'a pris deux jours pour le perdre. » En fin de vie, placée en établissement, Paulette se souvient de cette fameuse cuite, plus corsée que les autres, à l'issue de laquelle sa maison est partie en fumée et son fils lui a été enlevé pour toujours.
Deux jours pendant lesquels, entre deux verres, elle reconstruit le puzzle de vingt années vécues selon un choix dont elle tire une certaine fierté. Un choix qui pourtant l'a sans cesse placée sur le chemin de la dépendance. Dès dix-huit ans, elle refuse la vie médiocre que lui promet son milieu social : dépendance à l'argent du riche homme politique qui l'installe dans le bel appartement dont elle rêvait et l'entretient clandestinement : nous sommes dans les années 30 d'un Québec puritain et elle ne pourra même pas apercevoir l'enfant adultérin que, toute jeune, on lui enlève dès l'accouchement. A trente ans, elle abandonne son "bienfaiteur" pour Franck, qui la bafoue et dont elle supporte, petits et grands verres aidant, toutes les trahisons : dépendance à l'amour. Ils auront un fils et tenteront à plusieurs reprises quelques nouveaux départs.

Paulette encaisse, aidée en cela par ses chères bouteilles : dépendance à l'alcool jusqu'à un point de non-retour. Une fois larguée par Franck, elle vie avec son fils, qui, peine perdue, vide pathétiquement les fonds de verres et de bouteilles dans l'évier.
Entrecoupée des scènes du passé, cadrées en plans larges et stables à l'instar des images plantées dans la mémoire, la scène de la cuite est tournée caméra à l'épaule : confrontée aux gestes maladroits, aux objets ennemis, Paulette aimante notre regard vers le sien, d'où émerge sa souffrance. Car c'est bien de douleur dont il est question, Bernard Emond évitant toujours le piège facile de la déchéance. Paulette a construit sa vie, avec ses compromissions, ses échecs et ses bonheurs : elle assume tout cela et ne laisse à aucun autre le soin d'en juger à sa place.

Marie-Jo Astic


1h31 - Canada - Scénario : Bernard Emond - Photo : Jean-Claude Labrecque - Son : Marcel Chouinard, Hugo Brochu, Martin Allard, Hans Peter Strobl - Décor : André-Line Beauparlant - Musique : Pierre Desrochers - Montage : Louise Coté - Interprètes : Elise Guilbault, Luc Picard, Michel Forget, Gilles Reanud, Lise Castonguay, Fanny Mallette, Laurent Lacoursière, Alexandrine Agostini .

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