La Chambre des officiers
Officer's Ward
François Dupeyron
Sélection Officielle
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Trop "classique", trop beau, trop bien fait, La Chambre des Officiers est le type même du film qui, à cause d'une certaine excellence, est systématiquement recalé au palmarès du Festival de Cannes. Lors de sa sortie en salle, nul doute que le public n'en pensera pas de même et couronnera cette œuvre, François Dupeyron et une formidable pléiade d'acteurs, d'un succès largement mérité.
La Grande Guerre vient de commencer. Pour Adrien, frappé dès les premiers jours par un éclat d'obus, celle-ci sera courte. Pour lui, dont une partie du visage a été emportée, commence alors une autre guerre, celle des gueules cassées : il la mène pendant cinq ans au Val de Grâce et la mènera pendant tout le reste de sa vie. On ne découvre la blessure d'Adrien que lorsque lui-même la découvre dans le reflet d'une vitre de la chambre des Officiers, dont tous les miroirs ont été enlevés. Cette plaie, on l'imagine cependant dès son transfert en camion sanitaire, où les transporteurs essaient d'étancher la soif de ceux qui sont encore en vie : « Par où je lui donne à boire à celui-là ? » ou par l'indescriptible bruit qu'il émet en essayant de s'exprimer, sans mâchoire, avec le peu de langue qui lui reste. On la voit enfin – et il tente de la deviner – dans les yeux des autres, dans ceux d'Anaïs, indispensable infirmière, ou dans les regards des blessés du
rez-de-chaussée, les simples soldats, moins bien
lotis que lui, et largement aussi ravagés : « C'est quoi cette guerre ? » dit-il. Au début, Adrien est seul : Pierre et Henri le rejoignent, puis la chambre se remplit. Ils sont tous confrontés au suicide, aux opérations maintes fois répétées, aux rafistolages plus ou moins réussis de la chirurgie plastique de l'époque, que leur prodigue vaillamment leur apprenti sorcier de toubib.
« Patience » : voici un mot particulièrement difficile à prononcer pour Adrien, mais que ses amis d'infortune vont lui faire prononcer sans relâche. Le trio rencontrera enfin Marguerite et le visage d'ange et de démon de seule femme gardée clandestinement à l'étage du dessus. C'est dans ce huis clos qu'ils vont vivre ensemble leurs souffrances et leurs peurs, faire taire leur immense besoin d'amour, maîtriser leur refus de sortir, trouver les premières pistes pour affronter le regard des autres, se persuader qu'ils ont le droit de vivre et faire preuve d'une solide dose d'humour. Ensemble, ils vont tenter de se reconstruire et de s'accepter pour que les autres les acceptent. En sortant, ils vont avoir à se persuader que " ce qui compte, c'est ce qu'on ne voit pas. " (Jean-Luc Godard - Eloge de l'amour)

Marie-José Astic

2h15 - France - Scénario et dialogues : François Depeyron - Images : Nagata Tetsuo - Musique : Arvo Pärt - Montage : Dominique Faysse - Décors : Patrick Durand - Interprètes : Eric Caravaca, Sabine Azema, André Dussolier, Denis Podalydès, Gregori Derangère, Isabelle Renauld.

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