Le Cas Pinochet
The Pinochet Case
Patricio Guzmán
Semaine Internationale de la Critique
content

 

José-Maria Riba, délégué général de la Semaine de la Critique, systématise la double programmation amorcée en 2000 : d'un côté les premier et second films qui ont toujours fait la spécificité de cette sélection, de l'autre des séances spéciales journalières qui regroupent
hommages et ouvertures sur le document filmé, dont fait partie Le cas Pinochet.
Réalisé grâce à une coproduction européenne, le film de Patricio Guzman revient sur les années sombres du régime incarné par le général Pinochet qui renversa en 1973 Salvador Allende.
On y retrouve le ton engagé d'un certain cinéma politique des années 70 qui en marque sans doute les limites. Car Patricio Guzman, né à Santiago du Chili, a été un des acteurs de l'aventure du gouvernement d'Unité Populaire. d'Allende et ne cache pas ses sympathies. Peu après la prise de pouvoir par Pinochet, il fut d'ailleurs l'auteur d'une célèbre trilogie, La bataille du Chili, terminée à Cuba (où le réalisateur s'était réfugié) à partir des images tournées lors du putsch.
Le cas Pinochet suit pas à pas l'incroyable imbroglio juridico-politique qui a suivi la mise en accusation du général en Angleterre, la demande d'extradition espagnole, le retour au Chili et la perte de son immunité de sénateur à vie dans les premiers mois de 2001.
Cette partie, très didactique, a le mérite de faire le point sur les principales étapes de l'affaire dont les médias occidentaux se sont emparés.
Mais le cœur du film, ce sont les terribles témoignages des victimes du régime, qui

alternent avec le parcours du dictateur en Europe, filmés sobrement face à la caméra : cas de tortures, disparitions en nombre des opposants… Des confessions terribles dont les intéressés n'arrivent pas à faire le deuil plus de vingt ans après les faits.
Confrontées à l'émotion poignante des rescapés et aux atrocités de leurs récits, certaines images d'Allende, maintes fois diffusées par la télé, prennent un tout autre relief : ainsi la visite de Margaret Thatcher, qui ne tarit pas de remerciements pour l'aide apportée durant la guerre des Malvines ou l'arrivée à Santiago où Pinochet – déclaré très malade – qui se lève de son fauteuil roulant pour passer en revue les troupes. Dans ces moments le spectateur hésite entre rire grinçant et dégoût. Car c'est en militant que Guzman s'exprime à travers son montage en opposant la dignité des victimes au cynisme de certains grands de ce monde.
Et au terme de la projection, c'est justement le côté militant qui interpelle le spectateur. La sincérité est évidente, les horreurs décrites méritent justice mais on se prend à regretter une démarche aussi unidimensionnelle. Peut-on en 2001, ne rien vouloir entendre des anonymes pro-Pinochet, réduits à des images de manifestants brandissant le portrait du vieux dictateur.
Qu'ont-ils à dire ? Que défendent-ils ? Outre que leurs propos conforteraient peut-être la thèse de Guzman, ils seraient une preuve d'une volonté d'écoute et de pluralisme qui fait ici défaut.
Le cas Pinochet, de ce fait, s'avère un document nécessaire sur le fond mais daté dans sa forme.

Pierre Soubeyras


1h50 - France/Belgique/Espagne/Chili - Scénario : Patricia Guzmán - Photo : Jacques Bouquin - Son : André Rigaut - Montage : Claudio Martínez .

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS